Association des
chefs de services éducatifs
Rhône-Alpes
Assemblée Générale
du 2 juin 2004
Intervention de
Michel GAUDIN
Cette
journée nous rassemble sur le thème des répercussions, sur la
vie institutionnelle, de « l'application des droits de
l'usager et de sa famille » au regard de la position de
votre association. Cette formulation n'est pas neutre.
Vous
vous proposez d'analyser les conséquences de l'application du
droit sur le fonctionnement des institutions, sur la place
réciproque des usagers et des professionnels et finalement sur
votre travail, sur vos responsabilités, au regard de votre
positionnement spécifique.
Une
autre formulation était possible : analyser les
implications de la mise en ouvre de la loi sur le
fonctionnement institutionnel et sur la position de votre
association au regard de cette même loi.
Une
question qui renvoie à la problématique
de l'évaluation, donc du référentiel.
Je
reviendrai ultérieurement sur cette question.
Je
vous propose de nous inscrire dans une logique d'acceptation
de cette loi, qui fait partie de notre réalité et que nous
avons avoir le devoir d'appliquer et de faire appliquer dès
lors qu'elle a été votée par le parlement, c'est-à-dire par
notre représentation nationale, et qu'elle s'impose donc à
chacun.
Vous
notiez, dans le compte-rendu de votre dernière assemblée
générale, qu'il y avait un lien entre votre travail et la
raison d'Etat. Cette question de lien me semble centrale, tant
pour vous-même que pour les usagers des institutions dans
lesquelles vous travaillez, que pour les équipes que vous
animez.
Avant
de rentrer dans le vif du sujet, il me semble toutefois
important de rappeler que cette loi n'apporte rien en matière
de droit des usagers. Tous ces droits existaient auparavant,
mais ils étaient souvent méconnus et non appliqués. Ceci pose
d'ailleurs une question qui interpelle directement la position
des cadres des institutions.
Avant
de rentrer dans le détail des implications de la loi 2002 sur
votre travail, je vous propose de résumer rapidement trois
grands axes de cette loi à partir desquels nous pourrons
réfléchir ensembles à sa mise en ouvre et aux problèmes
qu'elle pose.
Cette loi rappelle
les textes fondamentaux qui fondent le droit des
usagers.
Elle
rappelle que la vie des personnes n'appartient qu'à elles
mêmes, que la responsabilité individuelle est inaliénable, que
la liberté de chacun s'arrête là où commence celle de l'autre
et que seule la loi peut apporter une limite aux libertés de
chacun.
Elle
rappelle également qu'il ne peut exister de relations de
pouvoir entre les personnes et que si la compétence des
professionnels leur permet d'exercer une autorité légitime,
cette autorité n'existe que si elle est reconnue par l'autre
et ne saurait être imposée.
En
ce sens, en refondant la posture des différents acteurs, cette
loi qui peut paraître parfois simpliste dans sa lettre,
renvoyer à des rapports simplificateurs voire à des rapports
marchands à travers le contrat de séjour et ignorer la
complexité qui constitue le travail social,
rappelle en fait la nature de la relation
d'aide et les fondements de l'éducation : mettre à
disposition de la personne des moyens, qu'elle est libre
d'accepter ou non, pour lui permettre de mieux gérer sa vie,
de poursuivre son itinéraire, avec son histoire propre et sa
singularité.
De
ce fait, elle est également, contrairement à ce qui pourrait
apparaître en première lecture, anti normative.
Bien
sur, son application pose une série de questions quotidiennes
qui ne peuvent avoir de réponses univoques : quel est mon
pouvoir, quelle est la limite entre la liberté de l'autre et
la liberté laissée à son handicap, quelle est la
responsabilité de l'adulte par rapport à l'enfant, quelle
position prendre lorsque les modèles culturels parentaux
semblent défavorables à l'enfant, qu'écrire dans un dossier
qui sera lu par l'usager et si des éléments ne
peuvent être lus par lui, quelle place à le
professionnel vis-à-vis de l'usager ????
Autant
de questions et bien d'autres encore qui demandent une
réflexion de nature éthique.
Il
est intéressant de constater que ces questions éthiques
surgissent à travers la mise en ouvre du droit, porteur de
sens sur la nature des rapports sociaux, donc des rapports
humains.
Les
travailleurs sociaux sont des gens de pouvoir : penser
que l'on peut influer sur la vie des autres et en faire son
métier peut relever d'une forme « d'arrogance » ou
de « toute puissance » que seuls le droit et
l'éthique peuvent contrebalancer.
Paradoxalement,
l'inscription des travailleurs sociaux dans le droit à souvent
été défaillante : vécu de limitation de son pouvoir,
confusion entre le droit et la réglementation, confusion avec
les procédures administratives. ?
En
réinscrivant l'action sociale dans le droit, la loi du 2
janvier refonde donc la place du travail social et
médicosocial dans son rapport à l'usager : des personnes
accompagnant d'autres personnes au nom d'une appartenance à
une même communauté et à ses règles, à l'aide d'argent public
appartenant à cette même communauté.
Cette
question de l'inscription - et donc du lien social - est
fondamentale pour ce qui nous occupe aujourd'hui.
Il
y a dans ces questions du grain à moudre pour les chefs de
service.
La deuxième
dimension essentielle de cette loi est celle de
l'évaluation.
Là
encore, il y a de nombreux risques d'incompréhension et de
résistances.
L'évaluation
est souvent vécue comme un contrôle, une perte de temps, une
démarche plus administrative qu'une démarche de sens.
L'évaluation,
telle qu'elle est conçue dans la loi du 2 janvier 2002, avec
la mise en place du Conseil National de l'Evaluation invite
les établissements et services à engager une double
démarche :
-
L'évaluation des besoins des
usagers et l'adaptation des réponses apportées par
l'institution.
-
L'évaluation du fonctionnement de
l'institution au regard des principes qui guident son action,
c'est-à-dire de son
référentiel.
Définir
en amont de l'action les principes auxquels elle
doit répondre, quitte à réinterroger ces principes est une
obligation méthodologique : disposer d'un point de repère
pour donner sens et valeur aux différentes dimensions de la
vie institutionnelle et aux actes posés vis-à-vis des
usagers.
Définir
des principes d'action est toujours un exercice difficile car
ces principes doivent intégrer non seulement les repères de la
loi, mais aussi des options théoriques, éthiques et
techniques.
Cette
exigence renvoie les professionnels à l'obligation de
formaliser les bases de leur action, y compris dans sa
dimension théorique (conception des modèles éducatifs,
définition de la relation d'aide, etc.), ce qui est déjà
parfois difficile car cela renvoie au savoir,
puis à justifier de leur action en regard de ces
principes.
Par
nature, les repères, les principes qui fondent le référentiel
doivent être extérieurs au sujet qui évalue son action au
risque, si ce n'est le cas, de l'autoréférence.
C'est
en ce sens que la formulation de départ qui préside à
cette journée : « évaluer les implications de la loi au
regard de votre positionnement » me parait contestable au
sens ou elle comporte un risque d'autoréférence : il
convient d'évaluer les implications de la loi et la position
des chefs de service en regard d'une extériorité dont cette
même loi fait partie.
Enfin, le dernier
élément qu'il me semble important de mettre en valeur est
celui des outils, procédures et
protocoles.
Comment
un établissement ou un service peut-il assurer une qualité de
questionnement et d'élaboration égale pour tous, comment
peut-il garantir la pérennité de ce questionnement et comment
le savoir faire et le savoir penser d'une équipe peut il être
formalisé, accessible et transmissible ?
Cette
question est également centrale dans la mesure ou elle se
heurte souvent à la représentation de la
« liberté de penser » des équipes et à la confusion
fréquente entre le spontanéisme et la créativité.
Inscrire
les équipes dans une contrainte de questionnement est un
travail directement lié à la problématique de
l'évaluation.
La
compréhension du sens de la contrainte est
ici l'élément problématique : comment faire comprendre
que toute créativité passe d'abord par une exigence formelle,
une qualité de questionnement qui peut seule garantir l'accès
au questionnement lui-même, aux modèles de pensée, et
valoriser ainsi les compétences cumulées d'une
équipe ?
Là
encore, du travail pour les chefs de service.
L'année
dernière, avec Joël CADIERE, vous avez défini les grands axes
des missions qui sont les vôtres.
Je
vous propose de partir de ce cadre de missions pour voir en
quoi il peut être affecté par la loi du 2 janvier 2002.
Vous
avez d'abord défini votre défini la position des chefs de
service :
« Position
intermédiaire, déchirée, en tension entre deux
pôles ».
Formulée
ainsi, cette posture doit être pour le moins
inconfortable.
Quels
sont ces deux pôles ?
Et
si il y a deux pôles, sont-ils antinomiques ?
N'y
a-t-il pas dans cette formulation la reproduction inconsciente
de la relation capital / travail qui
définirait vos dirigeants comme ayant des
intérêts privés différents de ceux des personnels « de
base », personnels qui acquérraient
ainsi le statut, la posture et la légitimité de la
« classe ouvrière » face aux dirigeants
« patrons »?
Au-delà
du simplisme de cette question, c'est bien
de la position des chefs de service dont il s'agit, chefs de
service qui, dans cette acception, seraient tiraillés entre
deux causes, qui connaîtraient des conflits de loyauté entre
la base dont ils sont issus et les cadres dont ils font
désormais partie.
Plutôt
que cette représentation de tension, qui présuppose un
antagonisme que je trouve personnellement douteux tant au plan
de la réalité que de l'éthique, je vous propose plutôt de vous
inscrire dans une représentation du lien entre plusieurs
niveaux d'une même réalité, mais niveaux solidaires : les
dirigeants de vos établissements et services ont à priori les
mêmes objectifs et défendent les mêmes causes que les
personnels qui y oeuvrent et les chefs de service ont cette
position stratégique qui consiste à faire en sorte que les
dirigeants soient « alimentés » du réel et du
quotidien du terrain et que le terrain soit inscrit dans les
réalités sociales, les contraintes et le sens porté par les
dirigeants qui n'en sont ni les créateurs ni les
propriétaires.
Etre
soi-même inscrit pour pouvoir inscrire, participer au lien
entre les différents niveaux d'une institution pour en faire
un ensemble cohérent, producteur de sens et contenant tant
pour ceux qui y travaillent que pour les bénéficiaires me
parait être la première mission des chefs de service, même si
la noblesse de la tâche passe par des réalités souvent
triviales et besogneuses. Mais il en est ainsi de toute
incarnation : les grandes valeurs ont besoins du
quotidien pour pouvoir exister.
Les six champs
d'activité :
Le pilotage de
l'action.
Garant
de la cohérence de l'unité fonctionnelle, de son projet et des
projets personnalisés, le chef de service est de fait le
garant de :
-
La permanence de la qualité de la
prise en charge et de l'accompagnement, c'est-à-dire de
l'existence et de l'utilisation des outils dont l'équipe doit
disposer. Comme vous le notiez très justement, il n'est plus
« éducateur chef » et sa compétence n'est pas de
même nature que celle des éducateurs. Il doit permettre que
l'action de chacun s'inscrive dans un cadre. Il est garant du
respect des procédures et des protocoles, du formalisme de
questionnement construit pas l'équipe. Il garantit le lien
entre les actions quotidiennes et le référentiel. Il n'est
plus porteur des réponses techniques mais du cadre qui permet
à l'équipe de les constituer. Il est également plus que par le
passé garant du respect des décisions prises sans lequel il
n'y a pas d'évaluation possible.
-
Cette fonction de garant du
référentiel à travers les vicissitudes du quotidien suppose un
formalisme « nouveau » et une vigilance notamment
par rapport au droit.
L'encadrement des
équipes éducatives.
Ce
champ d'activité, qui rejoint le premier est sans doute le
plus complexe à mettre en ouvre. Fédérer les compétences d'une
équipe pluridisciplinaire autour du projet d'une personne
suppose la capacité de permettre le dépassement des clivages
et le souci de replacer en permanence l'usager au centre des
préoccupations de chacun.
Si
la loi du 2 janvier n'affecte pas la nature de cette fonction,
elle lui donne un contenu nouveau du fait du rappel au
formalisme : le chef de service est garant du respect du
référentiel dans lequel chacun est inscrit. Il doit donc le
maîtriser et surtout être capable de prendre les décisions et
de les suivre, condition de l'évaluation qui rejoint ici la
démarche qualité.
Permettre
aux équipes de s'inscrire dans une décision institutionnelle
dont le chef de service est garant assure à l'usager qu'il ne
sera pas l'objet de la représentation et du pouvoir d'une
seule personne.
En
ce sens, le chef de service est aussi garant de l'inscription
de chacun dans le projet commun, donc dans le
lien et la cohérence qui font la contenance de
l'environnement proposé aux personnes accompagnées.
Dans
la même logique, vous notez que le chef de service est aussi
garant de l'adaptation permanent des réponses aux besoins
constatés.
L'évaluation
quinquennale prévue dans la loi (chaque institution doit
procéder à une évaluation de l'adéquation réponses / besoins)
renforce cette dimension.
Nous
sommes ici dans la problématique du projet
d'établissement.
Faire
pénétrer dans l'institution de nouvelles compétences, de
nouveaux savoirs suppose une capacité de projection,
d'anticipation, mais aussi la capacité à « passer
commande » aux équipes en matière de formation de
nouveaux savoirs.
Un
rapport à la connaissance qui implique une valorisation du
savoir comme un élément constitutif du projet.
La gestion
administrative et budgétaire.
La
gestion, notamment des plannings occupe une place importante
dans la vie des chefs de service.
Ce
« pensum » qui revient régulièrement est au cour de
l'organisation de l'institution.
L'organisation
est elle pensée en fonction du besoin des personnes, de la
cohérence du suivi et de la prise en charge
ou correspond elle à des contraintes d'amplitude, voire
essentiellement au « confort » des équipes de
travail.
Dans
cette opposition possible d'intérêt, le chef de service doit
pouvoir être garant du respect du sens de l'action en
analysant avec l'équipe les conséquences de l'organisation sur
la vie des personnes. Un travail de cadre partagé avec la
direction.
L'information et la
communication.
Faire
passer les informations vers le haut pour permettre aux
dirigeants de se positionner et vers le bas pour permettre aux
équipes de s'inscrire dans un projet collectif, le rôle
stratégique des chefs de service est ici central. Ils sont les
seuls à disposer d'une information : la réalité de la
prise en charge et de l'accompagnement des personnes, car ils
sont sur le lieu même de la réalisation de l'acte
professionnel qui peut seul justifier l'ensemble de
l'organisation et la présence de chacun, des équipes aux
dirigeants.
Là
encore, la loi du 2 janvier n'amène rien de nouveau mais
renforce cette fonction essentielle de lien.
Le projet
d'établissement.
Vous
notiez très justement dans le compte rendu de votre dernière
Assemblée Générale le lien existant entre l'acte éducatif, le
projet d'établissement et la « raison d'Etat », et
la nécessité de savoir inscrire son action dans le contexte
politique du moment.
Les
professionnels de terrain n'ont souvent pas le recul
nécessaire pour inscrire leur action quotidienne dans ce
contexte, et ce n'est d'ailleurs pas ce qu'on leur demande
lorsqu'ils se confrontent aux difficultés des personnes
accompagnées.
Par
contre, pouvoir, lors des réunions rappeler que l'équipe est
engagée dans des actions décidées « par la cité »
permet de recréer un lien de sens entre son acte et les
options politiques du moment, ce qui permet également de
rappeler aux équipes que si elles peuvent subir parfois les
conséquences d'un manque de moyens, elles n'ont pas à en
supporter la culpabilité.
Le partenariat et
le travail en réseau.
Il
est inscrit comme une obligation dans la loi du 2 janvier.
Développer
des prises en charge coordonnées sur un territoire permet de
mieux valoriser les ressources.
Mais
au delà de cette seule logique d'optimisation des ressources
locales, cette orientation correspond à un courrant beaucoup
plus profond.
Les
usagers « n'appartiennent » plus à une structure
mais peuvent utiliser l'ensemble des ressources
disponibles.
La
réforme future de la loi d'orientation en faveur des personnes
handicapées va dans ce sens : les projets personnalisés
seront faits à l'extérieur des structures et les
établissements et services seront des éléments de réponse aux
besoins de la personne à un moment de sa vie.
Encore
un apprentissage de la dépossession.mais les professionnels
travaillant auprès de personnes en grandes difficultés savent
bien que les prises en charge partagées constituent des
réponses contenantes et structurantes par le lien qu'elle
génèrent et les « ailleurs » qu'elles
organisent.
Penser
avec les ressources de l'environnement et pas seulement avec
ses ressources internes implique la non appropriation de
l'usager, mais également une réelle solidarité entre les
ressources et bien sur entre les hommes et les femmes qui les
constituent.
Dans
ce travail de tissage de solidarité, les chefs de service ont
une place déterminante.
Au
delà des accords formels qui peuvent être passés d'institution
à institution, le fait de faire vivre ces liens suppose des
rencontres, une connaissance et un partage autour des
situations concrètes et les chefs de service sont sans doute
les mieux placés pour cela.
Pour conclure,
La
loi du 2 janvier fait évoluer nos institutions vers une
meilleure prise en compte de la demande des usagers, vers un
meilleur contrôle de l'action, mais aussi vers un rapport
nouveau entre professionnels et usagers dans lequel la
dimension du pouvoir serait moins prégnante, les rapports
d'égalité humaine plus présents et dans laquelle la question
du lien est centrale :
-
Lien entre le droit et les
pratiques.
-
Lien entre le
référentiel et les pratiques.
-
Inscription de la relation dans un
univers commun de sens et d'appartenance.
Cette
évolution ne va pas se faire spontanément.
Au
delà des discours elle engage d'abord des actes, une
forme sans laquelle elle ne pourra se développer,
d'autant qu'elle peut entraîner des résistances.
Cette
forme passe par des procédures, des protocoles, des
questionnements, de nouvelles habitudes de travail qui doivent
être portés.
Dans
la configuration des équipes de travail, les chefs de services
apparaissent les seuls à pouvoir assumer cette fonction, mais
sous certaines conditions :
-
Qu'ils soient eux-mêmes liés et
inscrits dans un réseau de solidarité et de sens, dans une
institution qui porte ces changements.
-
Qu'ils adhèrent à cette évolution
qui peut représenter en première lecture une série de
contraintes plus qu'une ouverture.
-
Qu'ils acceptent la rigueur
formelle comme source de créativité et qu'ils en soient
porteurs.
-
Qu'ils soient garant du respect du
droit comme fondateur du lien social et qu'ils en soient là
encore porteurs.
Mais
la fonction de chef de service ne se réduit pas à une
série de missions et d'activités.
Ses
contours sont parfois un peu flous et si la position peut être
inconfortable, elle n'en est pas moins indispensable.
Une
institution n'est heureusement pas une machine outil
programmable.
Elle
est faite de paradoxes, de désordres et d'interstices.
Le
rôle du chef de service n'est pas de supprimer ces paradoxes,
ce désordre et de combler les espaces interstitiels par un
« mortier » de significations.
Elle
est au contraire d'interroger ces paradoxes sans vouloir les
réduire, de remettre sans cesse en ordre le désordre sans
vouloir le supprimer, de veiller au lien, c'est-à-dire aussi à
la préservation de ces interstices sans lesquels il n'y a pas
de vie possible.
Cette
dimension fonctionnelle essentielle à tout processus de vie
est sans doute la partie la plus difficile de votre travail
car elle fait appel à des aptitudes qui peuvent paraître
contradictoires :
-
La rigueur du questionnement et le
respect des procédures, seules à mêmes de maintenir le sens,
de contenir les « troubles » des usagers et de
constituer un cadre contenant tant pour les équipes que
pour les personnes accompagnées.
-
L'acceptation que cette rigueur ne
soit pas toujours respectée et l'acceptation de remettre sans
cesse l'ouvrage sur le métier, c'est-à-dire d'accepter que ce
ne sera « jamais fini » et que c'est cette non
finitude qui constitue le cour du travail : accompagner
la vie sans la tuer et sans cesse remettre de l'ordre dans le
désordre.
-
La souplesse de pensée qui permet
l'adaptation aux modes de pensée de l'autre.
-
La capacité de prise de distance
qui permet aux équipes de na pas se laisser engloutir dans le
quotidien des personnes qu'elles accompagnent et d'échapper à
la « contagion ».
-
Et sans doute une bonne dose
d'humour pour se rappeler et rappeler aux équipes que les
rapports humains sont toujours choses bien
intéressantes.
Michel GAUDIN |